Jour 79 : se faire bercer par la musique et une entrée impressionnante dans les Écrins
Après quelques journées de repos, l’objectif de la matinée, tout autant pour Hugo, Roel et moi, est de retourner en stop au Col du Lautaret, afin d’entamer l’étape 3. Hugo doit repartir de Saint-Jean-D’avres, moi de Briançon, et Roel d’un petit village proche d’où je suis (il est allé voir une amie ce matin). Puisque nous avons seulement 7 kilomètres à faire aujourd’hui, rien ne presse, et je prends tout mon temps. Après un petit ravitaillement ( je dis petit, mais si vous commencez à me connaître, vous saurez que j’emporte toujours trop de nourriture…) , s’entame mon aventure en stop. Cela s’avère un peu plus compliqué qu’à l’aller et j’y parviens au terme de 4 automobiles différentes, l’un des conducteurs étant guide de rafting et l’autre étant pilote de montgolfières (c’est trop chouette, je n’ai jamais eu l’opportunité de parler avec quelqu’un avec ce métier). Avec 4 covoiturages dans une période de moins d’une heure, je me sens un peu en pilote automatique avec mon récit de voyage. La première question: « qu’est-ce-que tu fais en France? », suivi de « je fais l’Hexatrek », puis » l’Hexaquoi? », « C’est la traversée de France à pieds!, » tout à pieds ?? » , « oui oui », et ainsi de suite. Parfois s’ajoute le traditionnel : « mais pourquoi tu ne fais pas de la randonnée au Canada à la place, c’est beau là-bas! ». Ça fait bien sûr partie de l’aventure en stop, mais parfois, on va se le dire, ça devient assez redondant!
Lorsque j’arrive au Col du Lautaret vers 12h30, Roel et Hugo sont déjà attablés sur la terrasse d’un petit restaurant. Vers 14h00, nous commençons officiellement l’étape 3 qui nous conduira dans les écrins pour environ 160 kilomètres, suivi de Belledonne et du Vercors.
Moins d’un kilomètre après notre départ je tombe officiellement amoureuse des Écrins. À chaque tournant, mon visage s’illumine devant les couleurs et la grandeur des montagnes. On s’y sent minuscule.
Depuis des semaines, on nous parle de la difficulté du Tour des Écrins, que ce segment serait l’un des plus difficiles de l’Hexatrek entier. Pourtant, ces premiers kilomètres sur ce sentier nous semblent assez faciles (je suis loin de me plaindre de cette facilité en passant 😉 ). J’imagine que le niveau de difficulté se rehaussera dans les prochaines journées.
Nous arrivons au refuge vers 16h30. Le spectacle de musique des amis de Roel ne commencera que vers 19h00, donc nous avons beaucoup de temps libre (enfin!). Le refuge regorgeant de jeux de société, Roel et moi faisons une partie d’échecs (je garde le mystère sur qui a gagné;)) tandis qu’Hugo emprunte ma liseuse numérique.
Après un bon dîner, c’est l’heure du spectacle. C’est un beau moment à vivre, qui restera un très bon souvenir pendant longtemps. Le temps d’une chanson, Roel accompagne ses amis avec son harmonica qu’il transporte sur le sentier. Deux petits enfants de 2 ans en profitent pour danser au rythme de la musique. Ils offrent à eux seuls tout un spectacle qui fait rire l’ensemble des spectateurs. Les musiciens entrent dans leur petit spectacle en dansant avec eux. Ce groupe de musique marche de refuge en refuge avec leurs instruments de musique, offrant une prestation le soir à des randonneurs aux yeux émerveillés (surtout les oreilles ;)).
Suite au spectacle, nous partons en direction de nos tentes afin de nous coucher. Je m’endors assez rapidement, mais vers minuit, une grande lumière me réveille. Je prends plusieurs minutes afin de finalement réaliser que cet éclairage provient de la pleine lune. La luminosité est tellement intense qu’on se croirait en plein jour.
Je sors de la tente , prends une petite photo et je retourne rapidement me coucher. Demain, grosse journée de prévue!
Jour 80: des lacs, du milage et un au revoir
Le lendemain matin, je repars vers 9h30 (j’en conviens, beaucoup trop tard). Hugo est déjà parti depuis au moins une heure, mais Roel est encore présent pour saluer ses amis. La météo prévoit une semaine complète de soleil dans les Écrins! Ça allège l’organisation, car il n’y a pas de pression en lien avec les endroits où nous poserons la tente dans les prochains jours.
Je commence donc ma journée en compagnie de Roel. Malheureusement, il se sent tout autant épuisé que les derniers jours et il a décidé de s’arrêter quelques jours à Monêtier-les-bains, à quelques heures de marche de l’endroit où on se trouve présentement. Il verra comment sa fatigue évolue et prendra une décision par la suite, à savoir de continuer dans les écrins, de nous rejoindre plus loin ou d’aller directement dans l’étape 5. C’est triste de savoir qu’il nous dira au revoir parce que nous étions un beau trio depuis quelques semaines !
Ce matin, la vue est éblouissante (comme à presque chaque jour sur l’Hexatrek;)… Correction, sauf la deuxième partie de l’étape 4). On passe par une multitude de lacs alpins qui possèdent des couleurs variant du turquoise à un bleu pâle magnifique.
Sur la route, une employée du parc me fait une petit cours sur les patous (chiens de berger) que nous risquons de croiser en grande quantité dans les prochains jours. Ils sont dressés pour contrer les meutes de loups s’attaquant aux moutons. Plusieurs attaques ont déjà eu lieu cette saison, alors ils sont sur leur garde. Bien que les patous n’attaquent pas à priori les randonneurs, il faut faire attention de ne pas montrer de signe d’agressivité afin d’éviter de se faire attaquer.
Après une incroyable matinée de marche, nous arrivons dans un petit village à proximité de Monêtier-les-bains, où nous retrouvons Hugo. Nous partageons un dernier repas, les trois ensembles. Hugo repart un peu avant nous, et après un petit quinze minutes de marche, c’est le temps de dire au revoir à Roel. Il est vraiment triste de partir, nous aurions aimé marcher dans notre petit groupe plus longtemps. Je lui souhaite bonne chance, et je reprends mon chemin.
Initialement, je voulais faire une journée d’environ 20 kilomètres afin de faire un bivouac sur le Col de l’Eychauda. Cependant, en regardant le programme des prochains jours, je me rends compte que le dénivelé va augmenter de façon gigantesque. Il serait plus judicieux d’avancer, d’autant plus que le col est un peu décevant. La fameux lac qui devait être présent à cet endroit ressemble plutôt à une piscine à moitié vidée. Charmant…
Je continue donc ma route. Je remarque qu’il y a un refuge 11 kilomètres plus loin, mais sur l’application mobile de l’Hexatrek, on y mentionne que le bivouac n’est pas autorisé à proximité de ce dernier. Je décide toutefois de valider cette information en appelant directement le gite. Et là, bingo ! Il y a eu un changement de propriétaire deux ans auparavant, et ce dernier me fait part qu’il y a une place pour les tentes à seulement 4 euros avec douches, électricité et sanitaires incluses ! C’est décidé, avec en tête l’opportunité d’une bonne douche chaude, ce sera mon objectif de la journée. J’envoie un SMS à Hugo pour l’avertir de mon plan, mais impossible de le rejoindre, il a mis son cellulaire en mode avion.
Il est déjà 17h00, et il me reste plus de 11 kilomètres. Heureusement, il ne reste qu’une bonne descente, donc ça devrait bien se faire. Je rencontre un trio effectuant le GR54, et je marche quelques minutes avec eux. Ils ont rencontré Hugo il y a quelques heures et semblent très intéressés par l’HexaTrek.
Vers 18h00, je commence à avoir sacrément faim. Il me reste toutefois encore un bon 8 kilomètres, je suis ambivalente à l’idée de m’arrêter. Cependant, comme par magie, quelques minutes après, j’aperçois une table reposant en plein milieu du sentier. Ok, là c’est un signe, la table m’invite à m’arrêter (ou c’est plus une excuse que j’ai fabriqué pour prendre une pause).
Hugo me dit tout le temps qu’il m’arrive toujours des coups de chance depuis le début de mon aventure. Je prends une courte pause pour vous raconter une anecdote sur l’étape 4 pour que vous compreniez ce que Hugo veut dire. Je marchais avec Alex sur le sentier, et je lui dis : « mince, il va falloir que je rachète du papier toilette, je n’en ai plus ». Et là, dix minutes plus tard, qu’est-ce que je trouve en plein milieu du sentier sur le sol? Un rouleau de papier de toilette tout neuf 😅. Si c’est pas une énorme coïncidence miraculeuse, je ne sais pas ce que c’est !
Bref, après cette petite parenthèse peut être non pertinente (à vous d’en juger), je retourne à mon histoire de la journée. Je m’installe donc sur la table et je me prépare à manger. Quelques minutes après, je vois Hugo arriver de loin. Il s’installe à son tour, et je lui vends mon projet de bivouac en insistant lourdement sur la douche gratuite incluse dans le 4 euros (argument qui suffit souvent largement à convaincre un randonneur d’avaler quelques kilomètres de plus).
Hugo accepte mon plan, et après une petite pause souper, nous nous remettons en marche ensemble. Cette promenade de soirée s’effectue rapidement et en un rien de temps, nous sommes au refuge. Le propriétaire nous reçoit avec chaleur et nous montre le coin de bivouac qui ressemble davantage à un camping (il y a même un bloc sanitaire pour nous). Génial, nous sommes seuls ! Bref, je résume, camping pour nous seuls, à 4 euros la nuit. C’est un très bon deal. On se félicite de notre grosse journée à 31 kilomètres, puis nous ne tardons pas à aller se coucher.
Jour 81 : c’est é(c)reintant les Écrins , la frayeur d’Hugo et l’accent québécois
Après la longue journée d’hier, nous décidons de mettre le réveil vers 7h00. Nous continuons notre chemin vers Vallouise où nous effectuons un ravitaillement pour les jours à venir. Je dois spécifier que je suis nulle avec mes estimations de nourriture, et je finis toujours par en prendre trop (désolé les jambes !). Cette fois n’est pas une exception, et mon sac me semble extrêmement pesant. Avec tout le dénivelé prévu au programme aujourd’hui, ça va être une belle partie de plaisir! (Sarcasme ici)
Vers 10h00 (encore trop tard, oups!), nous reprenons enfin le sentier qui passe par une aire de camping. En arrivant à une intersection, nous réalisons que le chemin par lequel nous sommes censés passer est barré avec du ruban rouge stipulant de ne pas entrer. Bon. Il faut que je vous mentionne que ce n’est pas la première fois qu’on voit un passage barré, que généralement ce n’est pas grand chose (du genre, un arbre qui est tombé) et qu’on fait les rebelles depuis le début en passant sous la barrière. Cette fois ne fait pas exception. On se penche et on passe sous le ruban.
C’est ici qu’on découvre le degré de difficulté des Écrins. Suite à quelques kilomètres sur un chemin plat qui ne laisse rien entrevoir de l’intensité de la journée à venir, une bifurcation nous mène à une montée comme j’en ai rarement vu, tellement elle est raide. Ici, impossible de monter droit, il faut utiliser la technique du crabe, c’est-à-dire marcher de côté. Des obstacles se dressent un peu partout: enjamber un immense rocher, glisser sous un tronc d’arbre, et j’en passe. Après un kilomètre de laborieux travail, nous comprenons pourquoi le sentier est fermé : le pont qui devait nous faire traverser la rivière a été emporté dans des pluies diluviennes quelques semaines auparavant. Ça nous apprendra à être têtu (ou pas)!
Je regarde Hugo, et il semble penser la même chose que moi: aucune chance que l’on rebrousse chemin. La technique du crabe, je l’aime bien, mais pas au point de la refaire en sens inverse. Nous cherchons donc un passage où le courant est moins intense et tentons de traverser la rivière.
Je m’élance en premier, et mis à part que l’eau est glacée, tout se passe bien. Puis, c’est au tour d’Hugo qui termine avec de l’eau jusqu’aux hanches (je profite de mon petit avantage d’avoir des grandes jambes hehe, désolé Hugo hihi).
La journée est loin d’être finie. Il reste encore deux cols à atteindre, suivi d’une bonne descente. Après un court lunch, on se remet en route en direction du Col de l’Aup Martin. En chemin, nous croisons un refuge non gardé. Hugo, trouvant qu’il y a une odeur de fumier à l’extérieur, décide de continuer, tandis que j’entre à l’intérieur de la cabane afin de me rafraîchir à l’ombre. Le refuge est magnifique, et il possède même un deuxième étage pourvu de matelas de sol! Avec ma fatigue, il ne m’en faut pas plus pour décider de faire une sieste. Je m’installe confortablement et me laisse emporter par le sommeil. Au total, j’y passe presque 1h30! Je reprends ma route vers 16h30. Oups, j’ai un peu traîné… Il est temps de reprendre mon ascension.
La montée vers le col est terriblement exigeante. Heureusement, l’intensité du soleil a 8un peu diminué et la chaleur est plus supportable. Dans la dernière partie, il ne faut pas perdre pied, car sinon, c’est une longue chute qui vous attend.
Je finis par atteindre le sommet après un bon 2 heures de sueur. Affamée, je prends le temps de me faire un petit sandwich. D’où je suis, je vois le deuxième col, qui est à environ un kilomètre. Je vois une forme au loin, et bien que j’aie l’impression que c’est Hugo, je ne peux pas confirmer avec lui, car je n’ai pas de réseau.
J’arrive assez tard sur le deuxième col. Je suis assez surprise de ne pas avoir encore croisé Hugo. Je vérifie si j’ai un peu de réseau, et j’allume mon téléphone satellite. Là, je m’aperçois que j’ai reçu de nombreux messages dont ceux d’Hugo qui s’inquiète pour moi. C’est la première fois que je fais une sieste en plein milieu d’après-midi et comme il pensait que j’étais juste derrière lui, il a cru qu’il m’était peut-être arrivé quelque chose. Je m’empresse de lui répondre que tout va bien, et il me répond qu’il est à une centaine de mètres plus bas que le col où je suis. Je vais le rejoindre et nous continuons ensemble jusqu’au refuge du Pré de la Chaumette. Vu l’heure tardive, nous sommes les seuls sur le sentier, et nous profitons d’une magnifique luminosité afin de rejoindre le gîte.
À notre arrivée au refuge, j’entends deux randonneurs qui discutent entre eux. Au début, je n’en suis pas certaine à 100%, mais très rapidement je décèle l’accent québécois. Je me tourne vers eux et leur demande : « êtes-vous québécois? ». Ils me regardent avec un air qui semble vouloir dire que ce n’est pas du tout la première fois qu’on leur pose la question (en effet, ça doit être la question que j’ai le plus souvent reçue sur ce sentier). Ils hochent la tête et je m’écris : » moi ausssiiiiiiiiiiiiiii ». Bon, désolé pour l’excitation, mais ça faisait quelques mois que je n’avais pas croisé de compatriotes. Je m’installe à leur table, avec Hugo, et la conversation démarre. C’est drôle, mais je réalise à quel point j’ai diminué mon accent et mes expressions québécoises dans les dernières semaines. Il suffit de ces deux québécois pour me redonner un franc parler en l’espace de quelques secondes. On rit, on compte nos anecdotes et on passe une superbe soirée à rire des différences d’expression françaises et québécoises.
Après un bon souper, et une très longue journée, il est déjà l’heure d’aller se coucher. Les Écrins, c’est un enchainement continu de montées abruptes et de descentes vertigineuses, alors mieux vaut se reposer un maximum!
Salut Charlotte,
Tes récits et tes photos me font vivre cette grande aventure. À quand la rencontre du 3ième type avec Sire Louis?
Bises