Jour 37 : premières foulées dans les Gorges & Causses
Cette fois, ça y est, nous débutons officiellement l’étape 4, un tracé de 514 kilomètres passant par l’Ardèche, le Tarn, les Cévennes et le Languedoc. Nous nous rendons à Viviers, le point de départ et commençons à marcher. Malheureusement, Édouard ne pourra pas nous suivre aujourd’hui, car son pied est infecté en raison d’une ampoule immense au talon. Il retournera donc à Lyon, le temps de guérir, puis reviendra au début de l’étape 4. J’espère pour lui qu’il se rétablira rapidement !
Viviers nous donne déjà une forte impression de cette nouvelle étape, on se croirait dans une autre époque, avec les rues étroites en pierre et les châteaux médiévaux. Rapidement, Alex, qui adore l’histoire, se presse de sortir sa petite caméra et d’y prendre plusieurs clichés.
Nous continuons notre route et réalisons rapidement à quel point il fera chaud sur cette étape! Il y a quelques jours, nous portions un manteau et greletions sous la pluie et la brume dans le Jura Suisse, et maintenant, nous sommes sous un soleil de plomb avec une température supérieure à 30 degrés celsius. Il faudra laisser le corps s’habituer pendant quelques journées.
Le paysage a complètement changé, on se sent dans un endroit plus désertique. Le son des criquets guident chacun de nos pas. La lavande semble être très présente et nous croisons des champs de cette plante à intervalle régulier.
Sur notre chemin, nous rencontrons une dame qui nous indique un arbre à prunes. Quel beau moment pour savourer des fruits frais ! Puisque les légumes et fruits sont lourds et peu caloriques, ce n’est pas une denrée que l’on prend régulièrement dans nos sac-à-dos déjà chargés. Chaque occasion de manger un fruit est donc la bienvenue.
Peu de kilomètres après, nous entrons dans le magnifique village de Saint-Montan. Coup de cœur immédiat.
Nous nous promenons dans les ruelles et chaque tournant nous fait découvrir des nouveaux donjons, châteaux ou cathédrales. Nous tombons sur un petit café dans le village, et nous y commandons un délicieux cheesecake aux bleuets.
La randonnée se poursuit sous une chaleur écrasante avec comme objectif final l’entrée des Gorges d’Ardèche. Sur la carte on indique un camping, situé à 36 kilomètres de notre point de départ. Nous bravons donc le soleil, et arrivons finalement à notre objectif en fin d’après-midi. Dès mon arrivée, je me jette dans l’eau afin de me rafraîchir.
À notre arrivée dans les gorges, première constatation : le camping n’existe plus depuis plusieurs années. Deuxième fait : le bivouac est strictement interdit dans les Gorges. Troisième réflexion: j’ai déjà mal partout, je ne bouge pas d’ici pour ce soir. Il va donc falloir camper en mode bivouac d’urgence en espérant que nos explications satisferont les Rangers s’ils viennent. De toute façon, il fera noir bientôt, il serait dangeureux de continuer.
Nous attendons donc la tombée de la nuit pour planter les tentes, soit vers 22 heures. Au moment où je termine de dresser la mienne, j’entends des voix au loin et je vois des faisceaux lumineux. Merde. Qui vient sur une plage déserte à 22h? Avec Alex, je me cache proche d’une butte de sable et nous attendons. Les voix semblent s’arrêter sur une autre petite plage à une vingtaine de mètres de nous et ne semblent pas diminuer en intensité. Bon, pas le choix de dormir ici en ne faisant aucun bruit et en espérant ne pas se faire repérer. Stressée, je finis par m’endormir vers 1h du matin, une belle nuit de 4h puisque le réveil est prévu aux aurores ! Mais bon, ça fait partie de l’expérience.
Jour 38: longer les Gorges et boire un café dans un camping…naturiste
Malgré la mauvaise nuit de sommeil, je suis très emballée à l’idée de marcher le long des gorges de l’Ardèche. Je suis rapidement impressionnée par le paysage qui s’offrent à nous. Le sentier prend une tournure très ludique. Il faut en effet passer par une cave (alias se transformer en spéléologue pour un moment) et y ramper à l’intérieur pour se rendre de l’autre côté. De nombreux passages ne sont également possibles que grâce à l’utilisation d’échelles. Puisque nous avons débuté notre randonnée vers 5h30, nous ne croisons personne et nous profitons de cette tranquillité.
Vers 11h00, nous arrivons au panneau suivant qui nous indique que nous arriverons bientôt sur un terrain de camping nudiste.
Nous manquons de nourriture et nous voulons un café, donc nous entrons dans le camping qui possède un café restaurant. C’est une drôle d’expérience, les campeurs se promènent nus dans le camp et je me sens un peu comme une intru avec mes habits de randonneuses. Le camping est magnifique, avec des hamacs, des divans et des tentes Utopia. Nous y passons environ une heure, le temps de savourer un café et de recharger nos cellulaires, puis nous reprenons notre route.
En après-midi, la température frôle les 35 degrés. Nous décidons de nous arrêter de 13h00 à 16h00 afin de ne pas souffrir de coups de chaleur. Une sieste, une collation et une baignade plus tard, nous repartons en fin de journée. Encore une fois, vu l’heure tardive, nous profitons d’une grande tranquillité sur le sentier.
En fin d’après-midi, je réalise mes premières traversées de rivières ! La première est très facile, l’eau me monte seulement aux genoux. C’est assez marrant ce nouveau challenge.
Techniquement, il ne reste qu’une seule traversée, un dizaine de kilomètres plus loin. Cependant, afin de profiter des Gorges de l’Ardèche, je propose à Alex de se rendre au bivouac de Gaud qui est l’un des deux seuls endroits de bivouac permis dans les gorges. Je suis assez distraite lorsque je regarde le carré et arrivé sur place, je me rends compte que le terrain est…de l’autre côté de la rivière. Bon, il va falloir traverser encore, et cette fois l’eau monte beaucoup plus que la hauteur des genoux. Cette fois, j’ai de l’eau jusqu’au haut du torse et je dois tenir mon sac-à-dos sur mes épaules ! C’est tout un défi, il est difficile de garder une bonne stabilité dans ce courant et avec ce niveau d’eau. J’y parviens finalement au prix d’un bon effort physique (merci à ces années de slackline de m’avoir permis de garder l’équilibre). Lorsque nous arrivons au lieu de bivouac, nous apprenons que ce dernier est au tarif de 15 euros par personne. Pour un coin de bivouac, dépourvu de services, il n’est pas question de rester là. Nous décidons donc de repartir et de bivouaquer plus loin, hors des Gorges. Nous devons donc effectuer deux traversées supplémentaires. Heureusement qu’il fait chaud !
Suite à la dernière traversée, nous assistons au lent coucher du soleil dans les gorges. C’est un magnifique spectacle. Peu de temps après, nous entendons des bruits d’animaux, et nous ne tardons pas à rencontrer un troupeau de chèvres sauvages ! Ces dernières partagent le sentier avec nous pendant de nombreux kilomètres.
La journée se termine tardivement et nous trouvons un petit endroit de bivouac pour la nuit.
Jour 39: coup de chaleur
Le lendemain matin, nous nous réveillons de bonne heure afin de profiter des aurores pour faire un détour dans le sentier et admirer le Pont d’Arc. À une heure aussi hâtive, nous sommes les seuls touristes sur place, ce qui rend l’expérience plus personnelle.
Le restant de la journée est assez difficile pour moi puisque j’ai un coup de chaleur en raison de la température frôlant les 36 degrés. Je me sens nauséeuse, faible et j’ai un bon mal de tête, malgré les litres d’eau et électrolytes que j’avale. Je me sens dans un drôle d’état, mais je continue à marcher puisque je suis au milieu de nul part avec très peu de réseau. Pour me changer les idées, j’écoute un podcast intitulé les Baladeurs. Chaque émission parle de l’histoire d’un aventurier ayant vécu des aventures grandioses ou, au contraire, des mésaventures, que ce soit sur mer, terres ou dans le ciel.
Heureusement, le coup de chaleur se résorbe et je peux continuer à marcher paisiblement. Le reste de la journée se déroule sans accrocs, et nous profitons d’un très bel emplacement de bivouac le soir.
Jour 40: le sommet Serre de Barre
La météo d’aujourd’hui annonçant un grand soleil en soirée et dès l’aurore, nous décidons de faire un mini journée de 15 kilomètres afin de pouvoir poser nos tentes sur le sommet de la montagne Serre de Barre permettant d’avoir une vue à 360 degrés sur les environs. En matinée, après quelques kilomètres, nous arrivons au village les Vans. On se pose à proximité d’une église et je refais mon bandage sur ma cheville gauche. Tout à coup, une vieille femme se penche vers moi et me demande ce que je fais là. Je lui parle de ma randonnée, la grande traversée de France et elle opine la tête. Après quelques minutes de conversation, elle part, mais revient un instant plus tard avec un billet de 10 euros. Elle ne dit que c’est la moindre des choses qu’elle puisse faire pour nous. La journée commence bien! On s’offre des cafés glacés et des pâtisseries avec la somme.
Puisque nous n’avons que 15 kilomètres à parcourir, nous restons en ville longtemps, histoire de se ravitailler, d’écrire un peu et de se rafraîchir. Vers 15h00, on reprend le chemin en direction de Brahic, dernier endroit où remplir nos bouteilles d’eau avant le sommet. Alex arrive avant moi (comme d’habitude) et je le retrouve assis devant une porte, essayant de profiter d’un peu d’ombre. Je le rejoins donc et après 30 minutes, la porte du palier sur lequel nous étions assis, s’ouvre et laisse place à un vieux monsieur à l’air bienveillant. Il nous invite à entrer chez lui pour un petit rafraîchissement ce que nous acceptons avec plaisir. Sa maison est l’une des plus vieilles du village et le dénommé Gérard y est né. Il a par la suite travaillé pendant près d’une trentaine d’années en Algérie en tant que prêtre. Pendant 2 heures il nous montre chacune des pièces de sa maison dont la cave à fabrication de vin que ses parents et grands-parents utilisaient il y a de décennies. Nous sommes très choyés d’avoir une telle visite et celle-ci nous plonge dans une autre époque.
Nous repartons vers 17h00 vers le sommet Serre de Barre, et de là, nous avons la chance de voir un magnifique coucher de soleil!
Demain, ce sera également une occasion d’en voir le lever !