Jour 61 : combattre l’empoisonnement alimentaire
3 heures. C’est le nombre d’heures que j’ai dormi après une nuit agrémentée d’orages surprises et d’un empoisonnement alimentaire. Je prends mon courage à deux mains, je range mes affaires dans mon sac et je grignote très légèrement deux petites bouchés de pain, histoire de ne pas avoir le ventre complètement vide.
Je vais à quelques mètres de mon lieu de bivouac en laissant mon sac-à-dos sur le sol afin de trouver un peu de réseau cellulaire histoire de valider la météo avant de partir. Quand je reviens, mon sac est entouré d’un troupeau de vaches mâles. Les vaches bien que normalement passives, peuvent se montrer assez agressive lorsqu’elles se sentent attaquées ou qu’elles ont des bébés. Saviez-vous que chaque année on dénombre quelques décès ayant pour cause une attaque par une vache ? Bref, il va falloir que je fasse attention pour récupérer mon sac. J’avance doucement, la grande majorité du troupeau recule. Parfait, tout se passe bien. Il y en a une toutefois qui reste à proximité. Je prends doucement ma maison en toile. La vache décide d’avancer en me donnant l’impression qu’elle veut se faire caresser. J’approche tout doucement ma main et paf, elle essaye de me donner un coup de cornes. Leçon appprise. Les vaches ne sont pas des chiens et elles veulent qu’on leur laisse la paix.
Mon sac sauvé, je l’attache sur moi, et je pars avec une nausée proéminente. Heureusement, ça commence par une descente. Je dois arriver au refuge de la Folly avant 12h00, heure à laquelle les orages doivent commencer à frapper. Ce ne sont que 11 kilomètres, mais si vous avez déjà marché avec un empoisonnement alimentaire, vous comprendrez la galère. Tout au long de la montée, je me parle à voix haute pour m’encourager et je compte mon nombre de pas (ça fonctionne très bien en passant cette technique ! 30 pas et quelques secondes de repos, puis on enchaîne).
J’arrive finalement vers 11h00 au refuge. C’est un pur soulagement. Je demande aux gardes du refuge si je peux dormir sur mon matelas à l’intérieur tout en leur expliquant ma situation. Très compréhensifs, ils m’accordent ce privilège. 3 heures de sieste plus tard, je me sens un peu mieux. Il faut dire que je ne dors pas très bien depuis quelques semaines et que j’ai beaucoup de sommeil à rattraper. Je commande une crêpe (ouhh j’ai faim bon signe!) et je refais une sieste par la suite (eh oui encore ! ). Au final, je décide de prendre un lit en dortoir pour la première fois depuis le début de ma randonnée. 17 euros, je suis bien tombée !
C’est dans ce refuge que j’ai l’opportunité de signer pour la première fois un des livres d’or de l’Hexatrek! C’est super de pouvoir lire les messages de ceux et celles qui sont passés avant. Je reconnais l’écriture de plusieurs de mes amis et ça me donne un grand sourire.
Le soir, je me prépare tranquillement des pâtes, quand une petite fille du nom d’Inès (qui s’avère être la fille des gardiens) se plante devant moi, avec un immense jeu de cartes, et me demande de jouer avec elle. Ce n’est pas vraiment une demande, ça ressemble davantage à un ordre. J’opine, même si je suis fatiguée, et s’entamme une drôle de partie de bataille où elle se permet de tricher à chaque moment et où je risque de me faire gronder au moindre dérogement des règles. Elle a du caractère du haut de ces 5 ans! Viens le moment où elle veut piocher dans mes pâtes, me voler quelques bonbons, et puis finalement, goûter un gracieux mélange de pâtes aux bonbons (je tiens à préciser que c’est sa recette, et non pas la mienne). Après un heure à me faire battre à plate couture à tous les jeux qu’elle apporte, j’abdique et je monte me coucher. Les orages grondent encore, et pour une fois je peux les admirer en sécurité. Nous sommes 9 dans le dortoir, et par chance, aucun ronflement! Je m’endors rapidement et sombre vers le pays des rêves
Jour 62 : 30 euros le camping, non merci, ce sera 30 kilomètres de marche !
Je me réveille à 6h00 en me sentant incroyablement mieux. Cette nuit a définitivement été la plus reposante de l’ensemble de mon trek. Wow. Je me sens prête pour une bonne journée de marche. Initialement, j’avais prévu me rendre au Camping du Pelly, mais une des randonneuse m’a mentionné y avoir été et avoir déboursé près de 30 euros la nuit. Hors de question que je paye un camping à ce prix, alors je vais devoir pousser jusqu’au refuge Grenairon, ce qui correspond à une journée de presque 30 kilomètres. 30 kilomètres dans les Alpes ça fesse (en tout cas, pour moi)!
Je pars donc vers 7h00 en direction de la Combes aux puaires. Le sentier monte de façon assez soutenu, et je presse le pas car il annonce encore des orages en début d’après-midi ( 4 jours de suite, la joie!). Le passage est assez exposé, donc je préfère ne pas être pris au piège là-bas quand l’orage frappera. Le terrain devient assez difficile sur plusieurs centaines de mètres car ce ne sont que des amas de roches et de névés sans de sentier explicitement présent. Il faut chercher les petits ronds de peinture rouge qui indiquent le chemin parmis les formations rocheuses. Une fois cette passe technique réussie, le paysage devient magnifique avec la vue de haut du lac alpin de la Vogealle. Je passe mes premiers névés. Il faut toujours faire attention en marchant sur de la neige, car parfois, il y a une rivière présente sous le névé. Ça peut être extrêmement dangereux car si la neige se rompt sous nos pas, c’est la chute dans l’eau glacée et le courant risque de nous emporter et d’éventuellement nous noyer. Il vaut donc mieux éviter la neige, et si ce n’est pas possible, tester sa solidité avec les bâtons de randonnée avant d’y poser le pied.
Les paysages sont magnifiques avec des lacs alpins entourés de grandes montagnes de chaque côté. J’arrive au refuge de la Vogealle où j’entend parler québécois pour la première fois depuis presque deux mois! Il s’agit d’un des serveurs qui est venu travailler en France pour l’été. Ça fait tout drôle d’entendre son accent, je me suis bien habitué à celui français !
Après une bonne brioche au chocolat, je reprends mon chemin qui est maintenant une descente assez abrupte. Tranquillement, elle me mène vers un endroit nommé le Bout du monde. Eh bien si ça c’est le bout du monde, on est beaucoup à y être ! Le Bout du Monde est un ensemble de chutes merveilleuses tombant de hautes falaises. Parfois, quand je vois autant de touristes à ces endroits, ma première pensée est un énervement. Cela arrive quand certains sentiers permettent d’accéder aux mêmes points d’intérêts en une journée. Mais par la suite, j’évacue cette pensée négative et je viens plutôt à la belle conclusion que c’est magnifique que de courtes randonnées permettent d’accéder aux mêmes points de vue. Tout le monde devrait pouvoir avoir accès à la nature et à du plein air accessible et tant mieux si ces sentiers existent! La nature peut tellement faire de bien à tous les êtres humains.
J’arrive finalement à proximité du Camping Pelly. De là, comme non, je n’ai pas changé d’idées, je ne payerai pas 30 euros, je commence par me rendre à Sixt Fer-à-Cheval afin de me réapprovisionner pour les jours suivants. C’est un petit détour à l’extérieur de la trail, mais je vais pouvoir la rejoindre d’une autre façon. Comme le ciel est encore un peu inquiétant, je décide de monter vers le refuge Grenairon par un côté moins exposé, mais la contrepartie est une montée de 6km avec 1100m de dénivelé positif. Je finis par arriver au refuge vers 19h00, épuisée par cette longue journée.
Pour 4 euros, il est possible de bivouaquer à proximité du refuge. Puisque le temps est encore incertain, je décidé d’opter pour cette solution. De toute façon, mes jambes ne voudraient pas faire un pas de plus. Il y a une possibilité d’orages à 23h00, mais comme je suis à côté du refuge, cela est beaucoup moins stressant. Du moins jusqu’à ce que les orages commencent à frapper. En mode panique encore une fois (ça devient une habitude à chaque orage), je prends mon sac de couchage et mon matelas de sol, et je vais à l’intérieur sous une table de la salle à manger. Comme ça, je ne dérangerai personne, et je pourrai y dormir sans craindre que la foudre ne me tombe dessus. Je m’endors, et en me réveillant vers 4h00, puisque le ciel est rendu dégagée, je retourne dans ma tente finir ma nuit.
Jour 63: un bivouac au Cheval Blanc
Sur l’application mobile de l’Hexatrek, je remarque qu’à 8 kilomètres du refuge où je me trouve, se trouve un des meilleurs spot de bivouac du sentier complet, soit au sommet du Cheval Blanc, culminant à 2800 mètres d’altitude. Comme je suis encore fatiguée de ma drôle de nuit et courbaturée de ma journée d’hier, je décide de faire une mini journée et d’aller bivouaquer le soir au sommet de cette montagne. Il ne sert à rien d’arriver trop tôt là-bas, donc je m’offre une grasse matinée jusqu’à 10h30 et je pars tranquillement en fin d’après-midi. La montée est soutenue et le brouillard m’empêche de pouvoir admirer les chaînes de montagnes aux alentours. Pendant plusieurs heures, je marche dans des paysages désertiques, en passant par quelque petits névés.
Vers 16h00, j’arrive sur le sommet du Cheval Blanc. Hum. Je vois le blanc (surprise, c’est plongé dans le brouillard), mais pas le cheval. Il est tôt, il fait froid et je ne vois rien. La météo indique un gros soleil et une visibilité parfaite (franchement parfois, je ne comprends par les météorologues). Par chance, un couple de randonneurs suisses est également présent sur le sommet, et vont camper ici pour la nuit. La randonneuse me dit qu’elle a un instinct qui lui dit qu’il faut absolument qu’elle passe la nuit ici. Bon. Son optimisme se propage et je décide de rester. Nous sommes rapidement rejoint par deux néo-zélandais, Matt et Sam ainsi qu’un Autrichien, qui font L’Hexatrek en mode ultra rapide. Nous échangeons ensemble autour d’un petit souper rapide, et à 18h30, le froid incite l’ensemble du groupe à se séparer pour aller dans leur tente. Il fait 4 degrés avec une humidité à 90%. À ce moment, je suis bien contente d’avoir un sac de couchage -6 degrés celsius parce que la nuit risque d’être très froide. Je regarde la météo pour demain matin qui prévoit du brouillard. Génial! Par optimisme, je décide de me mettre une alarme à 6h00 du matin. Qui sait, peut-être aurons-nous le droit à une petite éclaircie surprise !
Jour 64: une journée mémorable
6h00 du matin. Sans grande conviction, j’ouvre le volet de ma tente et je jette un regard à l’extérieur, pensant me retrouver face à un mur de brume. Mais là, le miracle se produit. TOUT est dégagé. Beaucoup trop excitée, je bondis de mon matelas de sol et oubliant mes jambes et pieds souffrants, je m’empresse d’aller réveiller toutes les autres tentes. Tant pis pour le sommeil, un tel spectacle n’arrive pas souvent. Tous les randonneurs sur le sommet sont éblouis par le paysage.
Le soleil se lève lentement et éclaire tout autant le Mont Blanc que le Cervin, en Suisse. De tous les bivouacs que j’ai fais jusqu’à présent, celui-ci est définitivement l’un des plus beaux.
Si ce lever de soleil m’émerveille, le reste de la journée me laisse béate, avec le beau temps qui est au rendez-vous pour l’ensemble de la journée. La descente du Cheval Blanc est extrêmement abrupte et il faut utiliser par moment des cordes et des échelles. Mais la vue qui s’offre à nous compense pour la difficulté du sentier. En effet, le Lac du Vieux-Émosson brille sous la clarté matinale. Je passe par quelques névés glissants (à défaut d’avoir des crampons, par chance j’ai mes bâtons pour m’empêcher de glisser).
Mon objectif de la journée est un bivouac au Lac Chesery qui est à quelques kilomètres de Chamonix. Bien que le Lac Blanc soit le plus connu des lacs aux abords de la ville, le lac Chesery offre un panorama spectaculaire sur le massif du Mont Blanc. Afin d’atteindre cet objectif, la journée sera longue.
Vers 19h30, il ne me reste plus que quelques kilomètres afin d’atteindre le lac. Je vois soudainement le Mont Blanc se dresser un peu plus loin. Du Cheval Blanc, le massif semblait assez éloigné. Mais d’où je suis maintenant, il est carrément imposant. Je deviens une enfant dans un magasin de bonbons, je presse le pas, exité à l’idée de m’y approcher encore plus. Je dois me calmer parce qu’à ce rythme, c’est le plan pour me blesser à nouveau.
Vers 20h30, j’arrive finalement au lac… Qui est complètement bondé! J’y dénombre au moins une trentaine de tentes. Coin magnifique veut souvent dire coin populaire, surtout près de la très achalandée ville de Chamonix. Je trouve un petit clin plat et je m’y installe. La nuit va encore être froide. Après un bon souper, et un petit appel vidéo avec une très bonne amie, je me couche et je m’endors aussitôt. En oubliant de mettre un réveil matin.
Demain, direction Chamonix pour un jour bien mérité de repos!