Jour 75: le Mont Thabor, ce sera une prochaine fois !
À 5h00, le réveil sonne dans le dortoir. Le plus silencieusement possible, Roel, Hugo et moi prenons nos affaires et nous nous dirigeons vers la salle hors-sac (expression française qui indique une salle où les randonneurs peuvent cuisiner). Hugo et Roel se regardent avec un air sous-entendu se demandant sûrement pourquoi ils acceptent mes plans un peu fous de se lever avant l’aube.
Après un petit déjeuner, nous commençons à marcher dans la noirceur, avec nos lampes frontales en guise d’éclairage. Le soleil ne tarde cependant pas à se lever, et rapidement, nous continuons à randonner sous une lumière naturelle.
Nous sommes à environ 8 kilomètres du refuge du Mont Thabor. Idéalement, nous aurions aimé bivouaquer hier à cette place, afin de partir tôt le matin vers le sommet. Cependant, en raison du temps instable, le refuge n’acceptait pas de bivouacs à proximité. Les orages ne sont prévus qu’à 17h00, donc même en partant à plusieurs kilomètres du refuge, nous devrions avoir le temps d’y aller.
Nous arrivons à la base du Mont Thabor vers 11h30. Déjà à cette heure, les nuages semblent menaçants. Instinctivement, je demande la météo via satellite sur ma balise de sécurité, puisque je n’ai pas de réseau où je suis. Le rapport météo arrive rapidement et je réalise que les prévisions météo ont changé : les orages sont maintenant attendus à partir de 13h00. Bon, il y a une décision de groupe à prendre. Bien qu’il soit possible d’atteindre le sommet avant 13h00, il faut ensuite marcher un 8 kilomètres sur une crête exposée. Pour éviter le sommet (qui est un parcours alternatif sur l’Hexatrek), il y a le chemin régulier qui évite la marche sur les crêtes. Pour moi, le choix est clair. Ayant conscience de ma phobie et du danger d’être en hauteur lors d’une tempête, il ne vaut pas la peine de risquer sa vie pour une vue. Des vues, il y en aura d’autres. Roel se range rapidement de mon côté. Hugo hésite un peu plus car le sommet lui tenait vraiment à cœur, mais au final, il prend la décision de nous suivre et de revenir un jour faire l’ascension.
Même si le chemin régulier est moins exposé, je ne veux pas trop tarder. Nous ne prenons donc même pas le temps de déjeuner, et nous repartons dans le sentier.
Le ciel devient de plus en plus noir. Pour moi, marcher avec cette phobie des orages est compliquée. Il est difficile de discerner la phobie de l’instinct et de la logique, et de savoir quand il y a un véritable danger. Je dois vraiment repousser mes limites et oublier ma frayeur. Je ne veux pas que cette phobie m’empêche de réaliser ma passion de longue randonnée donc je la repousse dans un coin de ma tête. Du moins j’essaye. Mais c’est vraiment épuisant pour moi.
Le chemin régulier monte lui aussi sur une crête (ce que je ne savais pas…). Le stress et l’adrénaline me donne des ailes, et je monte rapidement sur la crête, prenant une bonne avance sur Roel et Hugo. Je leur crie du haut du sommet, que je continue sans les attendre parce que j’ai trop la frousse.
Dans l’heure qui suit, je fais travailler exagérément ma balise satellite en lui demandant les prévisions météos à quatre reprises. C’est bon, les orages ont été repoussés. Je déteste marcher dans cet état, je suis en panique, j’ai envie de pleurer. J’ai tellement hâte que les prévisions météo redeviennent stables pour recommencer à profiter pleinement des sentiers.
J’arrive finalement vers 14h00 au refuge. Je pousse un soupir de soulagement et mon corps se relâche. Je réalise que depuis 6h00 ce matin, j’ai à peine bu une bouteille d’eau, je n’ai rien mangé sauf quelques morceaux de chocolat et je n’ai pris qu’une seule pause de cinq minutes.
J’occupe la prochaine heure à me réhydrater, me faire un bon repas et me reposer mes jambes. Vers 15h00, Roel et Hugo arrivent. Nous demandons les prévisions météorologiques au refuge des Drayères, et ils nous annoncent d’autres orages pour 17h00. Hugo et Roel proposent de continuer à marcher jusqu’à un petit abri à 4 kilomètres d’ici. Alors là, pour moi, c’est non. Assez de stress pour aujourd’hui, je suis en sécurité au refuge. Je leur dis que je les retrouverai demain à la fin de l’étape 2 au Col du Lautaret. Parce que oui, demain on termine une nouvelle étape !
Roel et Hugo partent donc en direction du refuge vers 16h30, et je m’installe tranquillement en bivouac à proximité du refuge. Ce soir au programme, la série Young Sheldon que j’ai téléchargée en début de journée. Je regarde quelques épisodes, puis je ne tarde pas à sombrer dans le sommeil.
Jour 76: fin de l’étape 2 au Col du Lautaret
Le lendemain matin, je repars avec le sourire. Le soleil a pointé le bout de son nez, aucun nuage dans le ciel. Je retrouve cette joie et liberté de marcher dans le sentier, de façon légère (mentalement parce que physiquement, mon sac pèse 3 tonnes). Après avoir pris un bon 400 mètres de dénivelé positif sur quelques kilomètres, la vue devient magnifique.
Après quelques heures dans ces paysages magnifiques, je vois au loin un randonneur qui me rappelle quelqu’un. Il semble penser la même chose de moi, et après quelques secondes, je réalise que c’est un HexaTrekeur 2023 que je suis sur les réseaux sociaux depuis quelques mois. Il me regarde et il me dit: « trek by trek? » qui est mon nom sur Instagram, et je reconnais celui portant le nom d’Hugo. C’est assez marrant de se rencontrer par pur hasard au milieu de nulle part. On se parle quelques minutes, puis je continue mon chemin et lui le sien.
J’arrive lentement vers le Col du Galibier. Normalement, l’application mobile avertit que le sentier est extrêmement compliqué à suivre, car il n’est pas balisé. Toutefois, puisque demain le sentier accueilliera une compétition de course en trail, des petits drapeaux oranges indiquent clairement le chemin. La chance quoi!
Je commence à emprunter le sentier quand une douleur au tendon d’Achille se fait sentir doucement. On dirait que mon corps a conscience que c’est la fin d’une étape aujourd’hui et que je prendrai quelques journées de repos bientôt. C’est comme si celui-ci se proclamait déjà en vacances et que soudainement des douleurs cachées apparaissaient. À la fin de l’étape 4, il m’était arrivé la même chose au niveau de mes voûtes plantaires. Entêtée, j’avais continué à endurer la douleur en me disant qu’il n’était pas question de faire du stop pour les derniers kilomètres d’une fin d’étape. Résultat? 4 jours de repos forcé pour deux débuts de fasciite plantaire sur chaque pied. Je m’étais juré de ne pas retenter l’expérience, donc, un peu amère, je décide de faire du stop pour m’éviter la montée du col du Galibier.
Je suis rapidement embarquée par un couple de restaurateurs qui cuisinent dans un restaurant au sommet du col! (Tu parles d’une coïncidence !) Très généreux, ils m’invitent pour un café. En montant le col en auto, je vois Roel qui monte à pied dans le sentier. Il semble souffrir dans cette montée raide. Je me sens un peu nulle de manquer cette partie, mais je ne regrette pas ma décision. Allez, la santé en premier, j’ai encore besoin de mes talons pour plus de 1300 kilomètres.
Finalement, vers 13h00, nous arrivons les trois au Col du Lautaret, ce qui marque la fin de l’étape 2! Nous sommes tous très heureux d’avoir complété une étape supplémentaire. Plus que trois pour moi et quatre pour Roel et Hugo!
On se prend une petite boisson bien méritée au sommet. Roel et moi avons décidé de sortir du trail pour trois jours et aller se reposer à Briançon qui offre plus de commerces et de campings que le sommet du col. Hugo, quant à lui, doit partir dans la direction opposée, afin d’aller rejoindre une amie.
C’est donc parti pour du stop afin d’arriver dans la ville. Roel et moi y arrivons grâce à la gentillesse de trois conducteurs, le dernier nous déposant même directement au camping. Quant à Hugo, il devra prendre 8 automobiles différentes pour arriver au village du point de rencontre avec son amie !
En soirée, nous prenons un burger au restaurant du camping en compagnie d’une autre HexaTrekeuse, rencontrée à Briançon ainsi que de quelques randonneurs effectuant le GR5. Nous ne tardons pas à aller se coucher, nous sommes complètement épuisés. Heureusement, demain, c’est une journée de repos!
Jour 77 et 78 : un repos bien mérité !
Depuis hier soir, nous sommes dans un petit camping tout proche de Briançon. Je profite de la journée de congé pour me payer une bonne grasse matinée…et beaucoup de gourmandises!
Depuis des semaines, je rêve d’une salade pastèque, fêta, concombres et menthe (Hugo et Roel le savent bien, 80% de mes conversations sur le sentier tournent autour de la nourriture). C’est donc le temps de me cuisiner ce petit plat à l’occasion de notre journée statique (parce qu’entre vous et moi, apporter une pastèque sur la trail, ce n’est pas très très ultralight).
Roel et moi se rendons rapidement compte à quel point nous sommes épuisés et vidés par les derniers jours. Au point où on commence à se demander si on a pas choppé un virus. Mais bon, aucun autre symptôme mis à part la fatigue, donc ça doit seulement être un épuisement.
Puisque nous avons deux jours de repos en ligne, nous avons réservé un massage pour délier nos muscles tendus. Oh que ça fait du bien entre deux étapes!
Dans deux jours, nous remonterons au Col du Lautaret et nous ferons une mini-journée à 7 kilomètres afin d’atteindre un refuge où les amis de Roel feront un concert de musique ! Ses amis se promènent de refuge en refuge, et en échange d’un hébergement et d’un repas, ils jouent un spectacle de musique en soirée. J’ai bien hâte de les entendre jouer !
As-tu pensé à une pastèque déshydratée ? Ç’est peu lourd et pas encombrant . Ça évite les pépins.